Ecrits de passage

Une nouvelle année.

– Vite, vite, préparez-vous, ça va bientôt être l’heure. Le champagne est prêt ? Faut qu’on trinque dès que l’heure sonne, tant qu’on est encore capable de la faire, même si on a le ventre plus que plein.
– Monte le son, ça arrive !
– …3…2…1… bonne année !

Dehors, on entend les feux d’artifice partir à la conquête du ciel, à croire qu’une artillerie se cachait dans les garages des voisins. On ne va pas s’en plaindre, ça participe à l’ambiance générale et c’est un peu ce qu’on veut aujourd’hui, fêter à ne plus s’en rappeler le passé. D’ailleurs, le champagne coule en même temps qu’on s’accole et qu’on se souhaite nos meilleurs vœux. En des mots simples et enjoués, on dit au revoir au passé et bonjour au futur. C’est un trait qui se trace sur le calendrier, on souhaite que le nouveau soit de meilleure facture que le dernier même si dans le fond, ça ne change rien à l’accoutumée. Tous les jours offrent une forme d’occasion au renouveau, mais cette date se veut spéciale et, peut-être qu’elle l’est.

Ça fait du bien de tous se retrouver, qu’importe la raison derrière. On fête en oubliant tout le reste, en étant ensemble, réuni, pour une raison commune. C’est dingue comme ça fait du bien de se sentir uni, tous ensemble, comme une seule famille même si on n’a aucun lien de sang. C’est un peu ça qu’il manque au monde moderne, un réel sentiment d’appartenance qu’on ne sent que dans les fêtes. Les autres jours, on est plus égoïste, on pense à soi, au revoir le nous.

C’est dommage qu’on ne se rend pas plus souvent compte que chaque jour offre la possibilité de mourir à hier et de vivre dans le présent. C’est comme s’il nous fallait quelque chose de plus fort, de plus symbolique que pour lui accorder un semblant d’intérêt. La simplicité, on n’en veut pas vraiment, même si on le crie dans toutes les publicités. Elles ne fonctionneraient pas d’ailleurs, si on était tous simples d’esprit.

Il y a comme un sentiment général d’hilarité, on n’est pas seul durant la nuit du trente et un au premier, tout le monde veut un peu changer. Ça se sent tellement fort qu’on se le souhaite à tout-va, le sourire aux lèvres, heureux comme on l’est presque jamais. À chacun ses souhaits, mais souvent, on tourne autour des mêmes sujets : le succès, la santé et l’argent. Souvent du matériel en somme. Il arrive aussi que certains audacieux souhaitent une longue vie… Merci, mais elle me semble déjà assez longue comme ça. Je préfère de loin une bonne vie à une longue et des souhaits de l’ordre du cœur et de l’esprit comme la paix, l’accomplissement et une ouverture accrue à la vie. Ça, ce sont des choses qui restent et qui offrent un socle stable. On peut les atteindre, le succès et l’argent, on en veut toujours plus et la santé, ma foi, elle ne va jamais assez bien. Mais c’est un autre sujet, restons festif ! Il faut faire avec ce que l’on a, même si ça nous semble peu. Mon grand-père, et mon père après lui, disaient souvent : quand on n’a pas ce que l’on veut, on fait avec ce que l’on a. Qu’ils étaient sages nos anciens, dommage qu’on en parle comme s’ils étaient dépassés de nos jours. De la culture et du savoir-vivre, ils en avaient même si on aime dire que les choses sont bien mieux maintenant.

En ce jour spécial, une forme d’égrégore se crée, un amas de pensées communes à tous les êtres humains. Le changement semble plus accessible et normal. Le fait que tout le monde y pense, semble faciliter l’opération. Une force invisible nous porte, même s’il est nécessaire que l’on fasse notre part du travail. Après tout, la page s’est blanchie, visuellement et mentalement. Un point de référence naturel se dévoile : le premier jour de l’année. Alors, on se dit qu’on doit tenir le cap de peur de voir cette page blanche se ternir sous l’effet de nos bêtises et manquements. On n’a pas trop le choix à partir de ce moment-là, on doit se faire aussi sage qu’un enfant qui attend impatiemment la Noël. Ça me fait marrer quand même cet esprit humain, la logique l’emporte rarement, on se laisse porter par les symboles et les croyances auxquels on s’adonne.

Pour tout vous dire, cette année, moi, je suis motivé, bien plus que d’habitude. En général, je m’en fiche, mais cette fois-ci, ce n’est pas pareil. J’ai comme une soif, une soif énorme de vie et d’expression. J’ai envie de tout laisser couler, d’offrir au monde mon unicité. Elle est tellement intense cette soif, que j’ai même pris de l’avance sur la nouvelle année. Un retardataire depuis la naissance qui se prend à l’avance, on aura tout vu ! Bon, c’est vrai, pas des tonnes. J’y ai pensé une semaine avant en prenant une pause de tout et en écrivant ces choses que je voulais voir changer dans ma vie. Elles ne sont pas des plus folles, c’est vrai, ni même très originales. Ce sont les mêmes que l’année précédente, et peut-être même de celles de l’année d’avant. En fait, j’en ai marre de la subir la vie. Moi, je veux combattre mes limites, les obstacles que je m’impose depuis. Ce ne sont pas les résolutions que j’ai inscrites sur le papier qui m’importent, mais plutôt le fait que j’ai envie de me combattre une bonne fois pour toutes. C’est moi que je veux voir s’exprimer et prendre entièrement vie. C’est ça le truc, c’est de là qu’elle me vient la douleur, de trop peu m’exprimer, de trop peu oser vivre ma vie comme je l’entends. Le mal, il n’a que le pouvoir qu’on lui donne, et il est tellement malin celui-là, qu’il nous fait croire qu’il est le plus fort et qu’il nous domine. Quelle arnaque ! Si on savait qu’il suffisait de se dominer soi-même pour vivre en maître, il ne serait pas content, le mal, et nos vices et le monde ne s’en porterait que mieux, je vous le dis moi !

Ça fait des heures que je parle et que vous me lisez maintenant, mais dans le fond, ce qu’on veut, c’est aimé et être aimé, même si on ne l’exprimera jamais de la sorte. On inventera toujours une façon plus savante de lire, sans vraiment le dire, comme si ça nous coûtait de l’exprimer. C’est si simple, pourtant la bouche se coud lorsqu’on essaye de délier le cœur. Bienvenue chez les humains, c’est comme ça qu’on communique entre-nous, bien mal et souvent à côté.

L’amour, c’est tout ce que l’on souhaite, surtout d’être capable de s’aimer. Comme s’aimer pour ce que l’on est, ce n’est pas si facile que ça, alors on se crée des besoins de changement pour pouvoir aimer la personne qu’on va devenir. Le présent ce n’est pas assez, faut puiser dans un futur hypothétique pour être capable de s’apprécier, c’est dingue. Pourquoi on n’arrive pas à s’accepter comme on est en sachant pertinemment qu’on changera naturellement ? C’est vrai que c’est plus simple lorsqu’on imagine une version de nous plus forte, plus aimable, meilleure en somme, mais en vérité, ce n’est pas tant la personne et ses attributs qu’il faut aimer, mais l’âme, cette chose unique qui nous rassemble tous.

Moi, cette année, je veux m’aimer et apprendre à aimer le monde sous toutes ses formes, même celles qui me blessent et ne me plaisent pas tant que ça. Je ne veux pas rendre le mal par le mal, non, je souhaite que l’Amour absolve tout. J’ai de l’espoir en cette nouvelle année, voilà pour quoi je vous en fais part. Soyons unis comme les cinq doigts de la main, car seul, nous ne sommes rien.

Écrit le lundi 03 janvier 2022. – Retravaillé le jeudi 18 janvier 2022.

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