Sans un bruit, sans crier gare, je prends place dans le paysage. Invisible pour beaucoup, le monde ne me porte pas d’attention. Je me déplace au gré du vent chantant des louages de temps anciens où la nature s’unissait en symbiose avec le monde. Mes chants content un temps où le monde composait avec les éléments, les prenant pour signe du très Haut.
Pour beaucoup, mes paroles sont inaudibles. Pour le monde, mes cris ne portent pas de valeur. A travers le temps, le son de ma voix a été oublié, il a été réduit au silence. Mes chants ne font plus tressaillir les audacieux à l’oreille légère, à l’esprit libre. Subsiste-t-il encore des coeurs hardis habités par la prud’homie? Depuis un long temps, ma voix s’est atténuée par manque de présence. D’ailleurs, mon public n’est plus de ce monde, il est de l’autre côté du voile. De l’illusion de mon absence, ils ont donné mon nom à l’inexistant. Ils m’ont nommé le silence me réduisant ainsi au mutisme.
Ma présence n’inspire plus les coeurs, elle ne délie plus les coeurs pesants. Les pôles se sont inversés, l’avidité a pris la place du vide, le matériel a pris place de l’immatériel, le profane a pris place du sacré. La paix n’inspire plus les hommes, le calme ne charme plus les esprits, l’Amour n’habite plus les âmes, le dévouement n’anime plus les coeurs. A quoi bon se taire et se laisser remplir par le vide lorsque le bruit permet de ne jamais ressentir, de ne jamais souffrir?
Je suis le silence, silencieusement tapis dans les replis du monde. Présent comme je l’étais au premier jour, je ne cesse de chanter des chants pour les coeurs miséreux. Je suis le bruit du silence, le sifflement des sentiments enfuies dans les profondeurs de l’inconscient. Invisible, je n’apparais qu’à ceux qui acceptent la mort. Ma présence est comme un feu ardent, elle dissipe ce qui n’a lieu d’être. Beaucoup m’entendent résonner en eux mais combien m’écoutent vraiment?
Treizième texte issu de la série: « Le silence de Glencoe ».