Ecrits de passage

Rugissement.

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Lion-saut deviendra grand disaient-ils. A force d’écoute, cela finit par sonner telle une évidence. Petit, je ne voyais rien d’autre que les apparences. Le futur semblait alléchant. Le temps passait au comptes-gouttes me laissant savourer chacun des instants qui se présentaient. Mes buts étaient minimes mais semblaient être insurmontable. Devenir un homme et crier à mon indépendance voilà ce qui animait mon coeur d’enfant. Loin d’être un dû, personne ne m’a indiqué qu’ici-bas rien ne se donne mais que tout se prend.

Marchant vers le précipice, je fais mon bonhomme de chemin. Tantôt dans le bon, tantôt dans le mal, je tergiverse. J’expérimente les chemins essayant de trouver celui qui me rapprochera de ma légende personnelle. La poussière couvre le passage ne laissant voir l’horizon qui s’y profile. L’incertitude plane entièrement. Courir relèverait de l’imprudence, s’arrêter serait de la bêtise, reculer ne serait rien d’autre que de la folie. L’étroitesse des voies pousse à n’avancer qu’un pas à la fois rendant fou celui qui se veut être plus rapide que la rapidité elle-même. Je ne sais ce qui me guide et me pousse à avancer et peut-être est-ce mieux ainsi. Pourquoi chercher à prévoir ce qui ne peut l’être? Voilà quelque chose de bien humain.

Le monde est un champ de bataille où beaucoup meurt avant d’avoir mené le bon combat. Mourir est une part de la vie. Pour le guerrier, elle est la vie. Le confort n’est rien d’autre qu’une illusion, un mirage poussant à l’extinction. Peut-être se cache-t-il là la raison de la déchéance du genre humain et même de l’homme. Qu’il est dur de devenir homme en ce temps. Quel combat que de prendre part à la table ronde en ces temps. Où sont donc passés les preux chevaliers ceux dont l’honneur et l’hardiesse ne connaissent point de fin. A quel point les hommes ont-ils perdu l’essence même de leur être? 

Devenir un homme n’est qu’une étape préliminaire d’une modicité telle en vue des épreuves à venir qu’elle pourrait être considérée comme insignifiante. Pourtant là se cache le commencement d’un combat qui s’avère ne connaître aucune fin si ce n’est la fin elle-même. D’ailleurs, si la mort est la finalité de la vie, pourquoi esquiver ce qui s’avère être une fatalité? La peur ne devrait être vue comme un frein mais comme un moteur poussant à dépasser sa condition. C’est en affrontant la mort qu’on en vient à être en vie. Ici-bas, tout se paie particulièrement la vie.

Loin de toute réalisation, je me situe. L’accomplissement et la réalisation sont deux directions qui allèchent les profondeurs de mon coeur. Le chemin s’annonce long et périlleux et le choix ne m’appartient pas. Je suis un passager et les rênes ne me sont pas données. La mort jonche mon chemin et je n’ai mon mot à dire. Les aléas me poussent à me fier à l’inconnu me forçant à agir à l’inverse de ma nature. Que dis-je, qu’est-ce qu’est la nature si ce n’est la somme des comportements hérités? La réalisation commencerait-elle par désapprendre tout ce qui nous a été appris? La légende personnelle dont je suis l’acteur me pousse à être ce que mon imagination ne peut imaginer.

Je sens que mon être s’approche du précipice et je ne cherche plus à l’éviter. Mon corps ne tremble plus, mon esprit ne flanche plus. Ma pensée est éteinte. J’avance sans chercher à voir plus que ce qu’il est nécessaire. Le regard pointé vers le sol, je me rappelle ma condition d’homme. Comment pourrais-je un jour me considérer comme grand moi qui ne me suis jamais élevé plus haut que le sol qui jonche cette terre. Jusqu’à présent, mon existence était inexistante. Jusqu’à aujourd’hui ma voix ne s’exprimait qu’à travers mon mutisme me laissant en feu et en sang face aux évènements qui ont côtoyé mon chemin. Mes faiblesses seront la source de ma force. Le silence qui anime ma gorge sera le feu qui amènera ma voix à muer en un rugissement. Lion-saut deviendra grand disaient-ils. La seule grandeur qui mérite d’être est celle qui inspire les mots de mon coeur.

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