XII. Retraite portuaire.

Quelle folie de se dire qu’il y a peu encore, je n’avais d’yeux que pour toi. Mon cœur chantonnait des mélodies desquelles apparaissaient sans cesse ton nom. Lui, de cette joie qui endort les sens, délia ses lèvres de chair et prit le contrôle de mon corps jusqu’à mon esprit en y incrustant la douceur de ton visage au travers de mes rêves et cauchemars. Il m’aveugla, posa une œillère pour ne voir rien d’autre que toi. Mon désir s’embrasait à ta pensée, et mes écrits ne parlaient plus que de ta beauté.

Ô, oui, tu m’avais touché en plein cœur. Il ne réagissait plus à mes commandes, à ma bonne volonté. De ma fougue et de mes caprices passés, j’avais tiré trait. Aucune prétendant ne comptait, plus aucune ne m’intéressait. Lassé de gambader, de cette insatisfaction qui naît après chaque rencontre, de ces visages que demain ne souhaite pas revoir, de ces femmes à moitié aimées, à moitié désirées, de ces aventures dont la fin était connue depuis le début, de cette lassitude du cœur qui, en vain, a déjà bien trop aimé.

Comme la lumière prenant naissance dans l’obscurité, tu m’apparus comme une bénédiction, un espoir quant aux lendemains à venir. Ta venue dissipa le brouhaha entour de moi. Qu’ils étaient beaux ces premiers instants, toutes ces premières fois renouvelées en ta présence. Qu’il était bon et plaisant de vivre ces instants, de te penser et repenser des journées durant, te désirer, te toucher, tenter de lier nos lèvres, te voir me résister en me mangeant du regard, contempler ta beauté n’ayant pas de mots pour exprimer tout l’effet que tu imposais sur ma pensée.

Mes nuits n’étaient plus pareilles, une vigueur oubliée avait pris naissance au tréfonds de moi. Mes rêves, inlassablement, étaient dirigés vers toi, ils étaient entièrement tiens. L’heure était la bonne, au fond de moi une, certitude s’imposait : j’étais prêt. Cependant, l’aiguille continua sa chevauchée et, sans un mot, sans un bruit, changea de sens. Il va sans dire que tout ce qui n’avance guère, inévitablement, recule. Ainsi en fut-il de notre avancée. L’horloge continua à avancer à reculons, emportant les bienfaits des moments passés. L’invisible lien qui avait pris naissance entre nos deux cœurs perdit vigueur. Mon cœur s’assoupit en un long sommeil, ne battant plus comme il en avait l’habitude. Tu revins, sans un mot, comme si de rien n’était, comme si notre aventure, jamais, ne s’était arrêtée. Est-il possible de ramener à la vie un feu ardent qui s’éteignit par manque d’entretien ?

Alors que le temps filait, je n’ai cessé d’espérer. J’ai tant souhaité que cette distance ne soit que de courte durée et que tu me reviennes après la nuit tombée alors que se lève le soleil. J’ai voulu laisser mon cœur s’exprimer, prendre la plume et exister. Il a tenté d’entretenir ce lien invisible, te parler d’une manière ou d’une autre, voir ton visage, ces lèvres qui ont tant accroché mon regard. Comment sont-elles devenues si froides alors qu’ensemble, nous nous confondions avec la terrible chaleur de l’été ? Cette vive chaleur s’en est allé au compte-gouttes en dépit de mon espoir toujours présent. Mon regard et mon cœur ne se contentèrent plus des mots et des belles paroles si souvent prononcés. Ils se focalisèrent sur le tangible, sur l’expression même des sentiments, sur leur véracité, autrement dit sur les actions posés en mon égard. Qu’elle ne fut pas ma désillusion de constater un abîme entre les belles paroles prononcées et la réalité inaudible. Le temps prétendu manqué, ne manquait que pour moi. Volontairement, j’ai laissé les navires de notre histoire prendre l’eau et dépérir au port en un séjour sans fin. J’ai tenté, laissant mon désir le plus profond s’exprimer, de les sortir de ce port prétextant une escapade, une virée, une entrevue en pleine mer. Face aux nombreux peut-être sans suite, à ces réponses furtives sans profondeurs ni perspective d’avenir, comment ne pas couler et laisser le désir et le cœur définitivement s’en aller.

Ecrit le mercredi 28 avril 2021.

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