Aujourd’hui, un livre entier vient à se fermer. Le cuir de sa couverture montre son vieil âge. Il était temps de quitter chemin, d’oser prendre la mer et s’y perdre. Qu’il est dure de parcourir un chemin qui nous est tant étrangé, qui ne nous correspond guère alors qu’il est si aisé d’en créer un nouveau. D’ailleurs, la vie nous façonne de bien des manières, nous amenant à constamment nous renouveler. Il est vrai que le changement parait souvent imperceptible d’un œil extérieur, mais à l’intérieur, tout se trouve chamboulé. Est-il possible de rester le même en ayant choisi la conscience à l’inconscience, la vie à la mort ? Plus le temps avance et plus il me monte sa relativité : il est possible de vivre plus d’une vie en un claquement de doigts. Sortant de ce moment de réflexion, j’élève mon regard et j’aperçois deux champs de possibilité qui s’offrent à moi.
Loin de toute influence, de mon berceau primaire, le choix m’appartient : être ou ne pas être. En quittant le port de mes habitudes, j’ai pu expérimenter le plaisir d’être pleinement soi. En naviguant sur les eaux, au milieu du néant, j’ai pu me retrouver. Maintenant, il me faut retourner d’où je viens, mais je ne le peux sans avoir, au préalable, clairement défini ma trajectoire. Au travers de ce voyage, j’ai emprunté une nouvelle voie, un chemin nouveau où j’ai pu, sans jugement, libérer ma voix. J’y ai découvert des parties enfuies qui ne cherchaient qu’à se dévoiler, des plumes qui ne cherchaient qu’une main pour s’exprimer. Pour survivre, il me faudra élever ma voix pour m’affirmer.
Je sais qu’il me faut prendre une décision dont la réponse m’est si claire et pourtant, je ne cesse de douter. La peur m’assaille, cette peur qui souhaite nous voir rester sur place. Il est si dure de s’éloigner de ces habitudes qu’importent qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Une sombre force de ses bras tente de ne point nous voir nous éloigner du bord. Le passé est un lourd fardeau qui, sans cesse, cherche à subsister. Prisonnier de mon esprit, je tente encore de délier ces chaînes que je me suis imposées. Par moments, un ressenti m’accable. Il me fait prendre conscience que le but n’est pas de vivre pour les autres, mais de vivre pour soi en prenant les autres en compte. Quelle lourde tâche est celle de ne point décevoir son entourage. La perfection n’est pas de ce monde. Nous sommes tous imparfaits. Le vrai but ne peut être d’atteindre cette perfection illusoire, mais de tendre vers un perfectionnement qui, de fait, est atteignable à tous.
Tout ce périple pourrait se résumer en ces quelques mots : se choisir au profit du monde. La charité ordonnée commence toujours par soi-même. Il est question de prendre conscience et d’agir en conséquence. Dans le néant, je me suis reconstruit en me libérant du lourd poids de mon armure. De toute manière, de quoi devrais-je me protéger ? La vie me fascine, elle nous laisse ignorants durant une longue partie de notre existence pour se révéler à nous une fois que notre tête finit par toucher le sol. Rien n’a jamais de sens sur le moment, mais prend sens à la fin. Choisir, voilà un lourd fardeau à porter. Prendre une direction sans connaître la destination, marcher, courir, s’essouffler sur un chemin pouvant s’avérer bon comme mauvais. Toute décision comporte un risque en elle-même, mais demeure bien plus bénéfique que l’inaction. Le changement ne laisse pas le choix, il s’impose à nous.
Ecrit le 06 janvier 2018.