Naufragé.

La mer comme le temps est d’un calme sans précédent. Le soleil brille encore dans les cieux bien que ses éclats se font de moins en moins perçant. L’horizon est dégagé et dégage un sentiment de fraicheur. Le calme règne et s’inscrit inéluctablement dans les coeurs ouverts. A bord de mon bateau, comme une bouteille à la mer, je me laisse porter par les courants qui, tantôt chaud, tantôt froid, n’influencent pas la chaleur de mon coeur. En paix, le sourire aux lèvres, de l’or en main, je vis l’instant présent.

La lune monte au ciel ouvrant la porte aux ténèbres. Le soleil s’efface et efface avec lui le peu de lumière qui jusqu’ici dominait les cieux. La nuit s’installe et, avec elle, le mal se déchaine. Aux alentours, la pénombre règne en maitre. En l’espace d’un instant tout devient différent. Le changement qui s’opère est absolu. Le vent se lève excitant les vagues qui jusqu’à présent demeuraient latentes. Tel un volcan en éruption, la mer se déchaine dans un silence à en couper le souffle. Le sourire aux lèvres, je porte mon regard vers le ciel ne sachant que faire. Seul face au monde, je sens mon être entier chavirer.

Le silence est total et occupe tout l’espace. Le ciel est éteint. Le néant a pris place en ce monde. L’inconnu s’est immiscé partout à un point tel que mes yeux ne me sont plus d’aucun usage. La mort gronde partout lançant des éclairs à tout va. Le monde s’éclaire le temps d’un court instant avant de retourner dans les profondeurs de la nuit. Le malin tente d’immiscer la peur en mon esprit. A la moindre faille, je sais que la mer sera mon tombeau. Mon esprit flanche, s’en sortir relève de l’impossible. A quoi donc se raccrocher lorsque tout autour règne le néant? Un sentiment de vide prend place en mon coeur. Voilà où la solitude aura fini par me mener. Mourrir passe encore mais mourrir seul quelle affliction. Mon seul réconfort se cache en mon bien pauvre trésor.

A la mer, j’adresse mes plus profonds regrets. Mes phrases sont sans fins, mes mots sont sans sens. Je suis vivant pourtant la mort se lit sur mon visage. Qu’aurais-je donc accompli ici-bas? L’imminence de la mort ramène au sensé. Quelle vie insensée ai-je donc menée jusqu’ici. Mon existence se résume à un égoïsme sans fin. Le besoin de réussite a fait de moi un homme sans coeur, un homme sans foi, un homme sans loi. Pour le prestige, j’ai vendu mon âme au prix le plus bas. J’ai troqué l’amour pour une vie de rêve. Et quel rêve! Un rêve sans goût, un rêve sans saveur, un rêve sans profondeur autre que la misère. Même pour un peu de tendresse et de sympathie, il m’aura fallu compter sur ma bourse. Les larmes aux yeux, je désespère. Pour le monde je suis un exemple de réussite. Vu d’en haut, je ne suis rien d’autre qu’un exemple de perdition. Du haut de ma tour d’ivoire, la chute est telle que mon être se retrouve en pleine mer.

La tempête bat de son plein et j’ai fini par renoncer à me battre. La force qui jadis m’animait n’est plus qu’un doux mirage. A quoi bon se battre pour ce qui n’a de valeur que face à la petitesse de ce monde. J’ai conquis bien des trésors et je ne me suis jamais senti aussi pauvre. Face à la mort, la richesse n’a pas son mot à dire. La mer ne cesse de se soulever. Son niveau monte à un rythme effréné. L’espoir m’a quitté, seul un désir de rédemption subsiste en moi. Mon regard pointe à nouveau vers le ciel à la recherche d’un miracle inopiné. A quoi bon espérer moi qui me suis tant déshonoré. Mes yeux n’ont plus rien d’autre à offrir que les gouttes qui ne cessent de couler le long de mon visage. Je suis un homme à la mer, je suis un naufragé que personne ne peut sauver. A force de pleur, mon corps, mon être et mon âme ont fini par se confondre avec la mer. Je ne sais si je suis encore des vivants. A force de laisser mes larmes s’écouler, je suis devenu une part de l’océan, un voix lorsque le silence s’établit, une voie lorsque le doute apparait, un exemple lorsque le monde chute, une porte lorsque l’envie d’une rédemption sincère se déclare. De ma vie, je n’ai rien su donner. De ma mort, je donnerai plus qu’il m’en est possible. Il m’aura fallu chavirer pour arriver à la réalisation. Il m’aura fallu mourir pour donner un sens à ma vie. Telle une bouteille à la mer, je me promène ici et là apparaissant où l’on s’y attend le moins. Je ne suis rien de plus qu’un naufragé en pleine mer, je ne suis rien de plus qu’un être naufragé.

Laisser un commentaire