Jusqu’à en déborder.

Oui, c’est vrai. On ne s’en rend pas vraiment compte. Ils viennent silencieusement lorsque la conscience s’endort. Il faut croire qu’ils profitent de cette accalmie pour s’installer un peu partout jusqu’à en déborder. C’est fou, lorsque l’on y pense, de se dire qu’ils chantaient sans retenir leurs voix, qu’ils criaient même sans qu’on ne les prenne au sérieux. En même temps, lorsque c’est petit à petit qu’une personne s’installe, on ne remarque que trop tard la place prise. On accepte plus facilement le dérangement, car il est progressif, silencieux, à peine visible. Ensuite, vient un moment où l’on se trouve sous l’étonnement. Comment a-t-on fait pour garder les yeux fermés si longtemps ?

C’est ce qu’il se passe à l’instant pour moi. La nouvelle année a débuté, il y a de ça quelques jours, et je me rends soudainement compte de mon aspect. Oserai-je demander à mon beau miroir qui est le plus beau ? Après tout, qu’importent sa réponse et son envie de me réconforter, il me serait impossible de le croire s’il venait à me citer. Non, non, ce n’est pas possible ! J’ai tout perdu, absolument tout ! Je sais, ne me dis pas ces choses que tout le monde dit, ces mots prétendument réconfortants que l’on récite comme pour paraître agréable. Je veux t’entendre me dire la vérité, sans retenue. Dis-moi que j’ai perdu cette vigueur d’antan, cet aspect de guerrier, cette vitalité qu’apporte un mode de vie des plus sains !

En vérité, je me suis égaré des habitudes qui me caractérisaient naguère. J’aimais partir à l’aventure et le sport était un prétexte pour faire le vide en moi. J’ai longtemps été peu sportif. Dans ma jeunesse, je me rappelle rester à l’arrière du peloton comme si le rejoindre me faisait peur. Je préférais rester dans l’ombre, ne pas me faire voir. Pourquoi se battre pour être sur le podium ? Je ne comprenais pas cette envie qu’avaient les autres de réussite. Ce qui m’importait, c’étaient les relations, la bonne humeur et le plaisir. Mais arrivé à la fin de mon adolescence, j’ai voulu me prouver que j’étais capable de me prendre en main et depuis, je n’ai eu de cesse de me mettre au défi. Le sport était une échappatoire, un exutoire me permettant de me défouler sans user de la parole, de faire transpirer mon corps jusqu’à en faire ressortir ma nature profonde. Oh oui, dans le fond, j’aime le combat ! Mon âme est celle d’un guerrier, d’un combattant qui n’accepte pas la défaite. Je sais en mon for intérieur que le défi est le sel qui stimule ma motivation. J’ai aimé me dépasser jusqu’à transformer mon corps et mon esprit. Cette longue période de presque 10 ans m’a permis de découvrir une tout autre facette de ma personnalité, une facette que je n’avais encore jamais rencontrée.

Aujourd’hui, je me regarde dans le miroir, et je me demande où est parti ce guerrier que je pensais connaître. Certains acquis demeurent, mais le sentiment intérieur n’est plus des meilleurs. Je sens qu’une faiblesse a envahi mon corps. Il m’est si dur de m’atteler à la tâche, de fournir autant d’effort qu’il m’était possible par le passé. Je me suis laissé aller à la paresse, au moindre effort et j’en paye le prix fort. Mes habitudes d’hier m’ont aidé à camoufler les excès qui prenaient place dans mon corps. Je ne peux plus me mentir et fermer les yeux quant à ma situation. Et je sais ce que vous diriez : tu abuses, tu es bien comme tu es. Et dans le fond, vous auriez raison, mais le vrai problème est plus profond, il est à l’intérieur. Il faut que le corps et l’esprit soient en paix pour que le bien-être se généralise. Si l’un des deux est défaillant, l’autre ne peut pas connaître la paix. Alors, je suis las de la non-action. Je souhaite voir un changement tangible se manifester, et pour ce faire, j’ai choisi mon cheval d’arçons, le vélo. Je pédale pour oublier les fêtes et les excès en tout genre. Je veux inverser la vapeur, transformer ces kilos en trop, en kilos en moins et réjouir d’un sentiment de bien-être dans tout le corps, d’une paix généralisée qui amène le corps à se sentir comme s’il volait. D’ailleurs, il me faut m’en aller, mon cheval m’attend.

Écrit le 06 janvier 2022.Réécrit le 05 juillet 2022.

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