Dans le froid de novembre, sans le savoir alors que le désespoir se faisait grandissant, j’ai donné ma vie à l’écriture. Une nuit comme toutes les autres, à déambuler entre les différentes échoppes sans but avant de ressentir un appel à la vue d’un carnet de cuir. Ma vie n’avait rien de miséreux; un mariage à venir, un avenir se dessinant, une jeunesse pleine de promesses et pourtant, un mal était présent et remplissait la pièce de ses cris. Les nuits étaient agitées, et mes pensées noires comme le temps alors qu’en apparence scintillait l’or.
Je me souviens de ce voyage, qui tel un vent frais rafraichit mes pensées et me ramena à la vie, Édimbourg. Mon coeur, depuis trop longtemps, laissait couler son sang n’arrivant à se défaire de mon envie de perfection. Je ne voulais pas voir la vérité en face. Il fallut que la vie use de subterfuges pour que je cède à l’évidence: un marché de Noël cachant en son sein un carnet de cuir brun pour me délivrer de mes pensées. Oui, c’est ainsi que la Providence m’offrit un exutoire, ou plutôt une terre sans limite pour m’exprimer. Moi, si muet depuis mon plus jeune âge me trouvai à écrire des torrents de mots, encore et encore, alors que tombait la pluie, que la neige me recouvrait, que le froid perçait mes gants, que la nuit m’assombrissait de son obscurité, que la tristesse m’amenait à perdre la foi, et que la joie m’habitait à la vue d’un simple spectacle.
J’ai donné ma vie à l’écriture alors que je touchais le fond; un pauvre muet dans un monde sourd. J’ai délié ma langue au travers de ma plume jusqu’à me défaire de la totalité de mes plumes. J’ai dessiné le beau, découvert le moche. Sans honte je me suis montré, sans fierté je me suis découvert. Ni philosophe, ni grand penseur même si je l’ai souvent pensé. J’ai retrouvé le sourire en laissant couler l’encre à l’image de mes larmes. Qu’y a t’il de plus beau que livrer ses dernières gouttes de sang en une œuvre qui nous dépasse, lorsque l’on répond au nom d’écrivain.
Écrit le 29 décembre 2023.