Je suis un voyageur sans nom. Mon identité n’est qu’une illusion, mes paroles ne sont que des interprétations. Je ne suis rien ni personne, je ne suis qu’une part visible de l’invisible. Etranger à ce monde, je ne cherche pas à l’appartenir. Rien de ce monde ne m’est étranger. Je le redécouvre après chaque mort, avec des yeux renouvelés.
Je ne suis qu’un simple passager, de passage dans un monde qui se croit éternel. Inexistant car mort depuis un temps, je me déplace au gré du vent, l’esprit libre, le silence en mon être. Les vagues me touchent, me font perdre l’équilibre. Elles me foudroient, me font perdre la raison. Je ne suis qu’un membre de l’équipage. Les intempéries ne m’atteignent plus, le Capitaine vieille sur notre navire.
Je suis une part du silence, un composant du Tout. Vivant pour les morts, mort pour les vivants. Ma voix ne porte pas de son, ma voie n’a pas de destination. Je suis un muet dans un monde où la parole est d’or, je suis un parleur dans un monde sourd. Mes murmures sont des cris étouffés. Ma parole est à peine audible, à peine compréhensible. Elle se dévoile et s’inscrit dans les coeurs ouverts. Elle n’a pas de poids en ce monde et ne cherche à en avoir. Silencieuse, elle est pourtant bien présente.
Je ne suis qu’un simple inconnu dont l’existence importe peu. Je ne me découvre qu’à travers les embûches qui se présentent à moi. Mes faiblesses font de moi un homme misérable que seul la rédemption pourrait arracher la culpabilité. C’est à travers les courants de la vie que je trouve raison de vivre et de poursuivre. Je suis inexistant aux yeux du monde et cela me convient. Je ne prends pas part aux combats de ce monde. Combattant de l’ombre, mon sabre demeure dans un sommeil latent. Ma seule existence se trouve à travers mes écrits.
Quatorzième texte issu de la série: « Le silence de Glencoe ».