Illusions perdues.

Les désillusions s’enchaînent à mesure que passe le temps. Les rêves d’enfance s’éloignent et disparaissent sans dire mot. Hier encore, l’espoir d’un jour devenir roi du monde m’habitait. Le temps a passé et avec lui, une grande partie de ma personne. Comme autrefois, je ne rêve plus, je désespère. Le ciel a changé de couleur, mon cœur a cessé de battre. Ici-bas, je ne suis plus chez moi. Plus rien en ce monde ne me fait plus vibrer : l’amour, la gloire, la richesse, la réussite, … Tous ces mets, qui me charmaient naguère, me sont devenus amers. Comment grandir dans un monde superficiel lorsque le superficiel nous quitte un peu plus chaque jour ?

Mon œil a changé de direction. Depuis un temps, déjà, il pointe au-dedans. Ce qui m’est extérieur a perdu cet éclat qui autrefois me troublait la vue. Il m’est devenu impossible de fermer les yeux face aux mensonges sans cesse proférer et plébisciter. Quel changement, quel revirement. Il me faut l’avouer, il est dur de trouver son centre lorsque l’on se trouve pris entre deux rivières. Chacun de mes pieds nage dans une rivière diamétralement opposée. Seul le temps permet de s’inscrire entièrement en une direction clairement définie. En attendant, je patauge entre ces deux extrêmes cherchant à trouver un équilibre et une cohérence dans mes gestes, mes actions et pensées.

Être capable de voir est une chose, avoir l’audace de regarder ces choses visibles, mais si peu agréable à observer en est une autre. Je me force à chercher le vrai, à m’en approcher au plus près. Le monde propose une immensité de réalité, mais son essence est unique. Il est question d’aller à la Source, d’établir un contact sincère dans le but d’agir en osmose avec tout ce qui meut. Nous semblons si nombreux, si différents et pourtant, nous ne sommes qu’un.

Inévitablement, la solitude apparaît. Choisir un chemin qui nous est propre demande à se retrouver seul avec soi-même. Au plus, le temps passe, au plus la solitude se fait sentir. Il devient si dur d’être compris par ses pairs, d’entrer en contact et d’échanger avec cette réalité où la futilité est centrale. On aimerait se soustraire des conventions, de ces choses si banales et si peu importantes, mais qui sans cesse nous sont proposées et dictées au travers des différents sens : l’ouïe, la vue, l’odorat, … Il arrive un moment où l’on se demande le sens de l’aventure si elle ne peut être partagée, le but des réussites si nous sommes seuls à avancer. A contrario, à quoi bon être tant entouré et sembler si proche si le sentiment qui nous habite constamment est celui de la solitude ? Avec le temps, il devient évident que la plupart des contacts ne sont que superficiels. L’impression qui grandit est celle de ressentir que seulement une infime partie de nous peut être entendue et comprise. On se sent si proche du néant, si proche de la mort. On souffre sans mot, et sans maux visibles. Le précipice ne cesse de s’étendre, il n’arrête pas de grandir. On tente de l’enjamber en s’accrochant aux sentiments passés, mais une fois de plus la réalité nous rattrape : comment croire en l’amour en ayant été si souvent trompé ? Comment croire en l’amitié en ayant été si souvent trahis, comment croire en la famille après avoir été tant anéanti, comment croire en l’Homme après l’avoir tant côtoyé ?

Rien en ce monde n’est saint. J’ai perdu tout espoir aux lendemains. Quelle route prendre ? Toutes semblent sans réel intérêt, si fortement éloigné de notre nature profonde. Ce sont nos décisions et nos habitudes qui forment nos chemins, mais comment les prendre lorsque le brouillard le plus complet s’impose sur notre route ? Tant de possibilités existent, seulement le temps nous est si limité… Je pleure pour notre génération ; perdue, sacrifiée, aveuglée. Elle pense détenir la vérité, croit en elle-même à s’en prendre pour maître. Cette vérité qu’elle croit détenir s’apparente si fortement au mensonge. Elle court faire ce qui est juste, et malheureusement se trouve à faire tout le contraire. Qu’il est dur de rester sans exprimer le mal et la souffrance qui nous habite, cette souffrance de ne pouvoir crier, de ne pouvoir exprimer toutes ces choses clairement. J’en pleure sans qu’une larme ne coule, j’en ris sans qu’une dent pointe son nez, je regarde au-devant les yeux fermés de peur de ne voir que vice et cupidité.

Ecrit le 26 février 2019. – Terminé le 25 juin 2021.

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