De l’ombre à la lumière.

Indifférent d’attitude lorsque, ensemble, nous passions nos premiers instants. Mes pensées étaient totalement libres et voltigeaient entre toutes les possibilités qui s’offraient, sans chercher, pour autant, à se poser sur une en particulier. L’hasard ayant fait en sorte de croiser nos deux routes, l’impatience de découvrir de nouveaux horizons m’animait entièrement. Sans attente particulière quant à ce qui était à venir, je me laissai entièrement aller à l’inconnu. L’un comme l’autre, nous pénétrions dans une zone d’inconfort, complètement en-dehors de nos accoutumances. Comme des enfants se rencontrant pour la première fois, nous fîmes connaissance dévoilant, au compte-gouttes, l’étendue de nos personnalités. Fort différents malgré nos ressemblances, à la fin de ce moment, les péripéties à venir s’annonçaient bel et bien mystérieuses.

Quelques mois passèrent sans que nous fûmes à nouveau réunis. Mon attitude était toujours de même ordre; l’engagement n’était pas une possibilité envisageable. L’envie d’aventures et de découvertes me dominait mais le désir de ne guère abimer une fleur qui me paraissait si innocente demeurait de plus haute importance. Lorsque nous fûmes à nouveau amenés à nous voir, l’abondance frappait encore à ma porte. Mes nuits n’étaient jamais semblables aux précédentes et mon coeur, bien que sollicité, se noyait toujours dans une indifférence absolue. Malgré l’ampleur de ses charmes, mes yeux, comme mon coeur, étaient encore complètement éteints. Nous nous retrouvâmes, l’un avec l’autre, au coeur d’une ville aux mille charmes. Profitant de l’imprévu de cette rencontre, je pris sa main et la fît valser au milieu de ce qui constitue ma culture et mon identité lui faisant découvrir des coins et une histoire qu’elle ne connaissait point. En quête d’aventure ou par désir d’en apprendre plus sur l’autre, nous vagabondâmes sans plan précis jusqu’à nous trouver, tous les deux, à l’abris de tous, autour d’un verre, discutant sous le ton de l’humour jusqu’à ce que la nuit finît par dominer le ciel. Accompagnés par la simplicité, l’innocence et la candeur, nous traversâmes le temps vivant le moment présent comme une expérience détachée de l’habituel, détaché des effets du temps. Insouciant, en cet instant précis, à l’inverse de notre première entrevue, je ne vis son sourire me pénétrer. Tremblotant, à mon étonnement, je ne sus agir comme ma pensée me le suggérait et goûter au plaisir de ses lèvres, ce qui amena, par la suite, mon esprit à la réflexion et au questionnement. Pourtant, tous les signes étaient au rendez-vous. Mon intuition confirmait que le moment était propice à la prise d’action mais l’inaction eut raison de moi. Moi qui d’ordinaire, en ce type de situation, n’avais pour habitude de laisser le doute m’envahir et l’occasion s’échapper, je me trouvai dans une situation que je n’avais plus, depuis un long temps, vécue. Une brèche s’ouvrit en moi remettant mes capacités en question. Mon désir de ne point abimer celles que je rencontrais, m’amenait à ne pas faire ce qui, pourtant, semblait être à faire. Quelle déception d’agir de la sorte, quelle non-sens de s’empêcher d’agir de peur d’éveiller une fleur, car on ne souhaite promettre une suite qui nous serait impossible à tenir alors que tout est encore à définir.

Le temps et la frustration de mon inaction faisant leur travail, je commençai à percevoir ce qu’il m’était, auparavant, impossible: le charme qui épousait sa personnalité, l’innocence dont elle était la victime qui, à l’image du diamant, la faisait resplendir de pureté. Aussi improbable que cela puisse paraitre, son expression, la manière dont sa pensée s’articulait, attendrirent ma sensibilité et éveillèrent ma curiosité me donnant l’envie de poursuivre l’aventure qui prenait naissance ici. Mon regard, à mon grand étonnement, se trouva complètement changé. Il est vrai que l’apparence n’est, souvent, au final, que de piètre importance, et bien que la sienne était plus qu’attirante, c’est son esprit qui me toucha le plus. Fin et réfléchi, sans pour autant porter la marque de l’arrogance. Ouvert et intéressé, sans pour autant chercher, comme cela est souvent le cas, à contrôler ou à définir. Grand serait le mensonge si j’osais dire que le désir ne m’habitait pas. Il serait encore plus grand si j’osais affirmer que l’attirance que j’éprouvais à son égard n’était qu’un doux mirage. Les yeux ouverts, les sens en alerte, je ne sus me contenir. L’indifférence et l’envie de néant qui m’habitaient naguère, me parurent être d’une tout autre époque. Comme un navire allant à la dérive, je laissai la barre me glisser des doigts. Pris d’assaut par un sentiment nouveau et une vision nouvelle qui, sans mon vouloir, s’imposèrent, je sentis que le vent venait de changer de direction.

Malgré cela, un combat prît place en moi. Le sentiment de ne pas être à la hauteur et de ne pouvoir donner suite à cette aventure si elle perdurait dans le temps, me martelait l’esprit. Bien portant, je n’avais pourtant que très peu à offrir. Ma richesse n’était pas d’argent, loin de là. Mon statut, malgré mon âge était inexistant. Il est vrai que l’extérieur ne constitue pas l’homme, cependant, ce poids me pesait lourdement. Mon statut d’homme était compromis. Face à elle, je n’étais encore qu’à mes premiers balbutiements, elle qui déjà, depuis longtemps, était indépendante. Plus que de la peur, en moi, un sentiment d’appréhension grandissait et cela, sans que je pus, dans l’immédiat, changer la situation. En âge de réalisation et de pleine possibilité, je me trouvais loin de toute réalisation tangible. Peut-être que cela ne l’aurait dérangé mais mon orgueil ne me laissa pas de repit pour autant. Malheureusement, je ne savais pas que ces pensées ne faisaient, en réalité, que m’alourdir. Elles n’avaient aucune raison d’être car elles n’étaient, au final, d’aucune réelle importance. Pensant au futur, mes actions furent inadéquate car ma vision était tronquée, elle était loin de la réalité. Pensant au futur, je n’agissais pas car la représentation erronée que je m’étais imposé m’empêchait d’agir et de voir les choses telles qu’elles étaient réellement. Inconsciemment, je m’imposais un filtre qui n’avait aucune raison d’être. Je m’empêchais d’agir en m’inventant une série d’histoires ou de problèmes qui n’existaient pas et qui ne revetaient aucune importance dans le présent des choses. A mon insu, j’oubliais, tout simplement, le plus important: être présent et agir en conséquence.

La route ne s’arrêta pas pour autant, nos revoyures persistèrent et l’inévitable arriva. Nos corps finirent, timidement, par se rapprocher. Mon regard se fixa sur le sien et, esquissant un petit sourire sur le coin supérieur gauche de mes lèvres, je fis ce que j’eusse aimé faire bien plus tôt. Fermant les yeux au fur et à mesure que mon visage s’approchait du sien, nos lèvres, lentement, s’effleurèrent, se caressèrent et firent, le temps d’un moment, d’un instant, plus amples connaissances. Ma main, débutant son ascension au côté de sa hanche, atteignit son visage transmettant, sans arrière-pensée, un désir naissant. Nos lèvres fusionnèrent, amenant le reste de notre corps à agir de la même manière. Sa respiration s’alourdit en même temps que sa langue fit connaissance avec la mienne. Le temps jouant en notre défaveur et ne souhaitant aller plus vite qu’il ne le faudrait, je pris congé et, sans me retourner, pris la direction de mon domicile. Depuis cet instant, un désir nouveau m’habita. Je souhaitais renouveler cette aventure. Plus que ses lèvres, l’envie de faire, plus intimement, sa connaissance fit son apparition en mon for intérieur. Ses courbes, ses boucles, son sourire me revenaient régulièrement en pensée. Du froid au chaud, de l’indifférence au désir, mes pensées se trouvèrent troublées.

Mes intentions devinrent claires et limpides, mais des siennes, je ne savais que peu de choses. Le désir que je lui portais était réel bien qu’au fond de moi, je ne désirais pas m’engager. Il m’importait de ne pas créer une brèche en elle ou de ternir un tant soit peu sa personne. Malgré mon empathie, il m’était impossible de définir ses envies et intentions. Mon esprit, perturbé par son innocente apparence, me poussait à agir de la manière la plus distinguée possible prenant ainsi plus de temps qu’il ne le faudrait et laissant, par la même occasion, l’espace au refus. Je cherchais des signes pouvant m’indiquer qu’elle ne souhaitait pas d’une aventure sérieuse, mais il m’était impossible d’en percevoir. En dépit de mon désir, l’aventure se devait de rester saine et sans pouvoir de destruction. Mais, peut-être, que tout cela n’était rien d’autre qu’une histoire que je me racontais, qu’un film que je me jouais, qu’une illusion que je m’imposais, que des règles que je me fixais pour ne point me découvrir et dévoiler pleinement la direction que je souhaitais nous faire prendre… Mais à vouloir trop bien faire, ne fait-on pas exactement tout le contraire? Nos rencontres continuèrent et, une chose en amenant une autre, l’anxiété s’immisça subtilement en mon être sentant que son intérêt partait, lentement, à la dérive.

De l’ombre à la lumière, peut-être, m’étais-je perdu en chemin. Pourquoi étais-je tellement obsédé par le fait d’agir selon un comportement parfait? Pourquoi m’était-il si dur de garder mes positions et d’agir en harmonie avec ma pensée? Mon manque d’honnêteté envers moi-même me mena en perdition. Depuis le commencement, mes envies étaient claires et pourtant, par désir de bien-faire et de ne point heurter, je finis par complètement dériver. Au lieu d’agir avec un tempérament aventureux, je me restreignis pour ne point heurter ou agir à l’encontre de ce qui me semblait être du bon sens. Le résultat d’un tel comportement ne pouvait être fructueux, je le savais et pourtant… Tout eût été plus facile si, au lieu de tenter d’agir suivant mon mental, je m’étais contenté d’écouter ce qui se passait en moi, ce que le présent avait à me dire, ce que mon corps ou mon coeur ressentait, ce que mes envies me dictaient, ce que mes inspirations m’insufflaient. Si seulement j’avais su être vrai et intègre par rapport à mon for intérieur, si seulement je ne désirais pas agir avec tant de perfection. Si seulement, je me laissais guider par ce qui Est sans chercher à parfaire tout et toute chose. Peut-être que beaucoup de choses eussent été différentes…

Passant de l’ombre à la lumière, je fis la connaissance l’échec. Ce que je souhaitais me fila entre les doigts. De ce que je désirais, à ma déception, il ne me sera pas donné de goûter. Conscient de ma pensée, de mes actions et de mes intentions plus que la peine, je sentis du regret m’envahir. Tout était clair et pourtant, de mon propre chef, j’avais pris la décision de garder les yeux fermés et de ne point voir. Ici-bas, rien ne se perd mais tout se transforme, du néant naquis de la lumière. Une part d’ombre fut mis au jour. Comme armé d’une torche, après un exercice d’introspection, je vis les mécanismes obsolètes et les schémas qui m’habitaient et qui m’avaient poussé à agir de la sorte. Il me fallut vivre une expérience douloureuse pour amener un tant soit peu de lumière là où tout est éteint. Sans en être conscient, nous nous sommes mutuellement apportés un bienfait, une prise de conscience, une grâce. En quête de cette femme, je suis reparti à la conquête de ma voix intérieure. Tout finit, à terme, par se rejoindre en un seul et même point. Pour éclairer une lanterne, il n’y a d’autres chemins: il faut d’abord passer par l’obscurité… et la conquérir.

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