Comme tombent tes chaînes.

Existe-t-il une seule bonne raison de dissimuler d’une si ridicule façon ta nature profonde ? Tu sais, je n’en ai cure de tous ces imperfections futiles. Je sais qu’elles te semblent énormes, si grandes qu’aucune montagne ne pourrait les voiler. Pourtant, du haut de ma colline, je ne vois rien, absolument rien. Tes faiblesses, tes manquements et toutes ces injures que tu te dis en silence me sont comme invisibles. Mon regard pointe vers une tout autre direction, elle transperce tes barrières. Si tu savais ce que je vois, et le bonheur qui me prend lorsque je sens, du bout de mes doigts, la chaleur du feu ardent qui brûle en ton cœur, cette essence si remarquable qui te précède. Elle réchauffe plus qu’elle ne brûle, elle inspire plus qu’elle n’éteint, elle élève plus qu’elle n’abaisse. Tu as en toi un joyau bien plus éclatant que la plus basse de tes fêlures, crois-moi.

J’ai parcouru le monde bien des fois, vécu des vies à ne plus pouvoir les compter. La vie m’a appris à voir à travers des apparences, à comprendre les messages cachés. La perfection est une illusion dont je me suis extrait, seul le réel m’interpelle. Comme toi, et comme tous les autres, je suis couvert de cicatrices, empli d’un nombre considérable de faiblesses. Tu sais, mon apparence n’est que chimérique, bien loin de la réalité. Si tu pouvais voir, en un regard, le chemin qu’il m’a été donné de parcourir, tu comprendrais pourquoi mon regard, sur toi, est tout autre que le tien. Je te comprends bien plus que tu ne le penses, je te comprends comme je me comprends, enfin, je le pense.

Le monde a été mon école, elle m’a formé comme on forme un rejeton. J’ai appris à la dure, en offrant des morceaux exclusifs de ma vie. Depuis, j’ai morcelé mon être jusqu’à le réunifier en un seul fragment. Il m’a fallu apprendre maintes fois la mort, pour enfin connaître la vie, et encore… Bien des parties en moi demeurent mortes, plongées dans une ombre éternelle. Le chemin n’est qu’à ses balbutiements, qu’importe l’aspect que mon corps présente. Je suis aussi petit que n’importe quel autre homme, peu importe cette taille qui me caractérise. Seule l’âme est vraie, seule l’âme guérie.

Si je le souhaitais, je pourrais arborer le même vêtement que celui du monde, et prétendre à toutes ces choses que je ne suis pas, sans pour autant que tu le remarques. Les faux-semblants, les belles paroles, les mensonges et le paraître sont rois et reines, ici sur terre. J’aspire à tout autre chose, et vois à travers tes yeux plus de joyaux que tu ne le penses. Tu sais, j’ai un rêve fou, un rêve proche de l’utopie. Il me serait si précieux de voir le soleil briller haut de le ciel, bien plus fort et bien plus haut que n’importe quel dieu sur terre, et qu’il illumine notre monde de ses éclats, faisant fondre les glaces de nos peurs, de nos illusions et de nos simulacres.

Dévoile-moi sans peur ces monstres que tu gardes en ton cœur. Je les vois, je les sens, j’entends ton être partir en guerre. Comptes-tu vraiment mener combat, toi dont les chaînes te maintiennent par terre ? Relève-toi, montre-moi ces liens qui te gardent prisonnière. Je veux les briser, les délier, défaire le verrou, qu’il te soit offert de connaître la liberté. Non, il n’appartient qu’à toi de mener la lutte, mais j’irai, si le vent m’y pousse, aux quatre coins, à tes côtés, trouver ces satanées clefs. Ensemble, à deux, on y arrivera, ne le crois-tu pas ?

À mes côtés, tu verras une tout autre réalité, un monde auquel tu ne prétendais pas. Laisses-moi te confier que rien n’a pourtant changé, le monde est pareil à hier, pareil au temps de nos ancêtres, seul notre perception altère la réalité. Voilà ce qu’offrent les rencontres véritables, les aventures et les quêtes auxquelles le chevalier se livre. Elles lui dévoilent un nouveau monde, une nouvelle perception de son monde. Tiens, prends donc mes lunettes, et regarde-toi. Vois-tu maintenant ce que je vois, cette femme belle, forte et droite, bien plus qu’elle ne le pense. Rien ne t’est caché, pas même mes pensées, ô toi, femme imparfaite, parfaite dans ses imperfections.

Ne te méprends pas, des travers, j’en occulte des tonnes, et beaucoup me sont encore à découvrir. Nous ne sommes que des hommes, c’est un abondant chemin qu’il nous faut parcourir. Tout comme toi, j’aspire à me libérer entièrement de mes chaînes, quitte à partir en guerre jusqu’aux portes de l’enfer. Ça brûle, ça fait mal, ça blesse, mais ça libère. Nul ne souffre plus qu’il ne peut endurer, je souhaite la même libération pour mes paires, sans qu’ils n’aient à subir ce foutu goût de fer, amer. Tout arrive à la bonne heure lorsque l’on est prêt. D’ailleurs, regarde comme tombent tes chaînes, les clefs n’étaient que superflues, seul le combat était nécessaire. La solution était en toi depuis le début, il suffisait de voir le mal de tes yeux sans broncher, pour que, comme le serpent dans le jardin d’Éden, il s’en aille sans se retourner.

Écrit le jeudi 27 janvier 2022.

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