Il existe une forme de constance dans la vie, avec le temps tout s’en va. Ça nous étonne souvent, plus régulièrement qu’on ne le croie. Tu m’aurais dit ça deux ou trois semaines en arrière, je t’aurais rigolé à la face. Impossible qu’un si beau départ s’amenuise de la sorte. Je ne peux pas y croire, tout semblait si beau. Et puis pour qu’une page se tourne ainsi, il faut que quelque chose de fort se soit passé, sinon comment le désir peut s’en aller ?
Je vais te raconter brièvement mon histoire. J’oublierais certainement plein de détails, tu m’en excuseras. Je n’ai pas une si bonne mémoire, j’ai tendance à ne me rappeler que des sentiments. On était scotché à nos téléphones, à se parler durant toute la journée comme si rien d’autre n’existait. Il y avait une forme de puissante attraction qui nous maintenait connectés. C’est peu dire d’ailleurs, j’avais le corps en constante ébullition. On m’aurait fait avaler un sachet de thé, je peux te jurer que l’eau dans mon corps l’aurait entièrement réchauffé. Lorsqu’on se parlait, c’est comme si le reste avait perdu de sa saveur, il ne restait que nous deux à la station. On avait créé un cocon , un monde où on était les seuls à exister. C’était bon, c’était rafraîchissant de prendre l’air comme ça. Moi ça me plaisait, et j’avais l’impression qu’il en était de même pour elle. On s’est bien dévoilé en usant de l’humour à foison, en s’embêtant mutuellement à travers des propos assez salaces. Je suis désolé de le dire comme ça, mais j’ai un esprit assez coquin. J’aime rire de tout, surtout lorsque ça touche à l’arrière-train. On était un peu comme deux enfants parlant un langage de grand avec un cœur de petit, innocemment. C’était comme un jeu dont le but était de s’embêter en se dévoilant tout doucement. Ça a du beau de s’apprendre, ça laisse le temps aux sentiments d’exister et ça colore la vie d’une lueur éclatante.
Fallait être aveugle pour ne pas l’avoir remarqué, j’avais grave du plaisir à la découvrir. J’étais le premier étonné de me rendre compte qu’un lien, avant notre rencontre, avait déjà été ficelé. Ç’était étonnant quand même, d’autant se plaire et se connaître alors qu’on venait à peine de se croiser du regard. Ce n’était sûrement pas la première fois que l’on se rencontrait, ça, c’est sûr, nos âmes se connaissaient déjà. Une rencontre, une discussion et ça a directement sonné comme une évidence. J’eus envie, très rapidement, de l’appeler par ces surnoms que seule une relation bien entamée permet. Qui aurait cru que l’envie de lui dire que je l’aimais puisse si vite me traverser ?
Un truc qui me dépasse, c’est le fait qu’on en apprend tous les jours sur soi, encore plus lorsque l’on pense se connaître. Elle avait ce quelque chose de spécial et ça, je ne l’oublierai jamais. J’étais pris de cette envie folle et constante de la serrer fort contre moi, mais pas spécialement avec des idées derrière la tête, non, sentimentalement comme on traite une personne à qui l’on souhaite communiquer son amour. C’est ça qui était dingue, cette tendresse et ce désir de le transmettre me dépassaient. Généralement, je m’en fiche des gens, je ne suis pas le plus démonstratif et communicatif, enfin, je joue ce jeu-là. Je préfère rester au loin pour éviter de créer trop de liens. Avec elle, c’était tout différent. J’eus l’envie d’en créer et des bien profonds, si tu vois ce que je veux dire. Ce n’était pas que son physique, non, c’était aussi chimique. J’avais envie de créer une fusion, qu’importe qu’elle dure, là n’était pas la question.
Sauf que quelque chose a changé depuis, et je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Je t’avoue, j’ai appris à lâcher prise avec le temps, je suis plus le même mec qu’autrefois. Avant, j’aurais tout fait pour comprendre jusqu’à compromettre mes chances. J’avais ce besoin irrépressible de d’entendre la raison et de tout tenter pour y remédier. C’est fou ce qu’on peut faire pour se rapprocher de l’autre alors que ça lui donne envie de faire tout le contraire. Faut respecter les distances, ne jamais forcer, c’est ce qu’il y a de mieux à faire. Les femmes, elles savent ce qu’elles veulent, elles feront tout pour ne jamais perdre celui qu’elles aiment. Si elle part, reste tranquille, c’est qu’elle n’en a plus rien à faire. Tu peux lui courir après, vas-y, au moins t’apprendras. On est tous passé par là mon vieux, c’est une sacrée douche froide. Lorsque tu as l’impression que quelque chose cloche, c’est que c’est déjà trop tard. Accepte-le et passe à autre chose, à moins que tu aimes te noyer dans tes mouchoirs. Bref, une fois encore, je m’égare. Dans le fond, je l’aimais bien, mais faut croire qu’elle avait d’autres plans, et pas avec moi. Je ne lui en veux pas, je comprends, je n’avais pas vraiment le profil de l’emploi. Je m’aime bien, ce n’est pas ce que je dis, mais faut se rendre à l’évidence : on ne peut pas plaire à tout le monde. Et puis on connaît bien souvent la couleur de la fin lorsqu’on commence une relation, on se bande juste les yeux. Moi, je la savais, je voulais juste profiter du temps qu’importe la durée. C’est aussi ça le jeu, accepter de parfois tout perdre, avant d’avoir connu le plaisir d’y goûter.
Écrit le samedi 22 janvier 2022.