A la fausseté du monde.

À la fausseté du monde, je me suis accoutumé. J’ai appris à mes dépens que la différence déplaisait, qu’affirmer d’une voix trop forte son opinion, si elle n’était pas conformée, s’avérait néfaste. Une partie de moi n’a jamais pu se soumettre, accepter une quelconque autorité qui n’était pas souveraine. Bien des péripéties me sont arrivées par mon manque de soumission. Rebelle sans le vouloir ayant besoin de comprendre les raisons profondes pour pouvoir agir. Et bien que ce monde m’ait brisé en de multiples morceaux, je n’ai cessé d’agir en son sens. J’ai suivi son chemin sans comprendre. Je me suis éteint, niais, pour me réveiller des années plus tard si éloigné du jeune enfant qui, inconscient, était bien trop conscient de son monde intérieur. À quoi bon prendre les armes alors que les dés sont déjà jetés ? 

J’ai voulu changer le monde, entrer en révolte. J’ai cru pouvoir changer la donne, être cet homme. Comment impacter le monde lorsque le sien est encore à ses balbutiements ? Je ne voyais pas que je n’étais qu’un simple soldat dans un échiquier géant dont la grandeur m’était inconnue. La jeunesse à cet avantage de pousser l’homme à se croire plus grand qu’il ne l’est vraiment, cette imprudence à agir sans comprendre avec cette vision déformée qui pousse à croire que l’envie, seulement, suffit. 

Bien qu’insoumis, je n’ai eu de cesse de vivre selon les règles du jeu sans me rendre compte qu’en un sens, cela faisait de moi un collaborateur. J’ai adhéré à ses idéologies, à ses codes, à ses désirs inexprimés. J’ai voulu devenir grand, posséder plus qu’il en fallait, m’élever au plus haut, me travestir pour entrer dans les rangs. J’ai été cet homme commun, celui qui, à l’image de ses pairs, agissait d’une même manière. Enfermé dans ce monde, dans ces villes bien trop connectées et bruyantes pour pouvoir entrevoir l’immensité de cette mascarade.

Il n’y a pas de honte à avoir. Il faut être passé par d’innombrables épreuves pour que s’ouvrent nos yeux. Souvent, il nous est même nécessaire de vivre les mêmes expériences un nombre incalculable de fois pour enfin se rendre compte de la raison profonde du mal. L’intelligence et le bon sens ne sont rien s’ils ne sont pas soumis régulièrement à rude épreuve. Chaque aventure a le pouvoir d’élever ou de rabaisser l’homme temporairement, mais à terme, tout converge vers le ciel.

Ce monde est comme un jeu d’échecs où deux camps, inlassablement, s’affrontent. Deux camps dont les ambitions sont diamétralement opposées. Il ne m’a pas été donné de les connaître, ni de comprendre les enjeux. Je ne suis qu’un simple pion sans intérêt que l’on presse sans cesse pour en faire sortir tout ce qui pourrait faire de lui un révolutionnaire ou un homme un tant soit peu éveillé. Pourquoi un tel acharnement constant ? 

L’avenir nous est présenté comme désastreux. Une fatalité qu’il nous faille obligatoirement accepter : un monde qui s’écroule sous la chaleur augmentée, la fonte de ses glaces, des maladies sans nom qui sévissent ou son avenir trop incertain. Sans échappatoire ou solution apparente, le seul choix possible réside dans l’indifférence ou dans la soumission à travers une peur artificiellement créée. Se soumettre en donnant vie à une mort symbolique immédiate ou accepter de vivre l’épée sous la gorge pour ne pas être affilié à cette machination ? À la fausseté du monde, chercher la vérité et le bon sens équivaut à être un fou dans un univers se pensant sain(t).

Ecrit le 27 janvier 2018, réécrit le 14 juillet 2021.

Laisser un commentaire